Nouvelle académique, Martina Barcelloni Corte : portrait



La Professeure Martina Barcelloni Corte, forte d'un parcours académique international et d'une expérience de terrain en tant qu'architecte, vient de rejoindre la Faculté d'Architecture pour enseigner et poursuivre ses recherches dans le domaine du Landscape Urbanism.

Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots votre parcours ?

Je suis architecte et urbaniste, diplômée de l’Université IUAV de Venise. Après quelques années passées en tant que designer dans plusieurs bureaux internationaux, j’ai effectué mon doctorat au sein de l’Université de Venise et de la Columbia University de New York. Ma thèse portait sur le concept d’« Urbanisme Horizontal », sur lequel j’ai continué à travailler longtemps pendant mon post-doctorat à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne. À l’EPFL, avec Paola Viganò et le Laboratoire d’Urbanisme, nous avons lancé une grosse recherche sur le concept – justement– de «Métropole Horizontale» qui a permis la publication d’une trilogie de livres et la participation à une série d’expositions internationales, notamment à la Biennale d’Architecture de Venise en 2016, à BOZAR à Bruxelles en 2018 et à la Biennale d’Urbanisme et d’Architecture à Shenzhen en 2019.

Pouvez-vous nous parler du concept de Métropole Horizontale ?

On dit souvent que la « Métropole Horizontale » est un oxymore : elle exprime d'une part l'idée traditionnelle de Métropole (centre d'un vaste territoire, hiérarchiquement organisé, dense, vertical, produit par polarisation), d'autre part l'horizontalité (l'idée d'une condition urbaine diffuse et isotrope, où le centre et la périphérie se fondent, là où aucune périphérie n'existe).  La « Métropole Horizontale » fait donc référence à des domaines ruraux/urbains étroitement imbriqués et co-pénétrants, elle dépasse des termes ancrés dans le passé comme «périurbain» ou «suburbain». Elle décrit une construction territoriale « en couches » où l'agriculture, les espaces dédiés à la résidence et aux activités économiques non-agricoles créent un mix original, on parle souvent aussi de « ville-territoire ». Il s'agit d'une forme urbaine très particulière qui –à notre avis– représente un capital (naturel et spatial) important, un lieu à forte potentialité.  Cette forme de ville « nouvelle » (elle se développe désormais depuis plus de 50 ans) nécessite aujourd'hui d’être décrite et étudiée en profondeur pour en articuler le projet :  nous devons être - aussitôt que possible - prêts et à la hauteur d'un projet ambitieux pour ces territoires, un projet qui sera nécessairement transdisciplinaire.

L’interdisciplinarité a eu un rôle important dans votre post-doctorat à l’EPFL ?

Oui, je dirais – plutôt– « structurant ».  L’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne est un milieu extraordinaire où plusieurs disciplines cohabitent côte à côte : ingénieurs civils, environnementaux et architectes ont la possibilité de se confronter et travailler ensemble quotidiennement . L'inter- et la transdisciplinarité sont fondamentales pour comprendre et construire des hypothèses de recherche et des projets innovants au sujet de la ville contemporaine. À ce propos, et toujours à l’EPFL, nous avons récemment créé un Centre de Recherche transdisciplinaire centré sur l’urbain, le « Habitat Research Centre » (HRC). C'est un projet qui me tient à cœur et sur lequel j'espère pouvoir continuer à travailler en impliquant, bien sûr, l'Université de Liège.

La ville a changé profondément ! Il est nécessaire et urgent que les architectes et urbanistes apprennent à collaborer avec des spécialistes d’autres disciplines scientifiques dans le but de faire émerger de nouvelles connaissances.  En ce moment, par exemple, ma recherche est centrée sur l'étude des sols urbains : pour observer des « objets » nouveaux de ce type, il est indispensable d'établir des collaborations sans précédents. Le travail interdisciplinaire qu’on a mis en place, au cours des deux dernières années, avec les pédologues de l’Université de Lausanne et de Genève a été une expérience extraordinaire, capable d'ouvrir des lectures et interprétations inattendues de l'espace habité contemporain.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de rejoindre notre Faculté ?

La Belgique est un pays très intéressant pour étudier la « ville-territoire », ses différentes formes et sa longue tradition. Il a fait l’objet de nombreuses et importantes études sur ce sujet, la généalogie intellectuelle et disciplinaire des interprétations, des métaphores et des projections constitue une importante source d'inspiration et de confrontation pour moi.

Par ailleurs, la Faculté d’Architecture de l'ULiège est actuellement en train de se repenser. Je trouve cela très intéressant d’entrer dans une Faculté qui vit de profonds changements. J’y vois la possibilité de tester des hypothèses nouvelles et l’opportunité de lancer des projets innovants, à la frontière de la discipline. J'ai aussi un fort intérêt pour la Faculté de Gembloux Agro-Bio Tech qui dispose d’une expertise importante, j’aimerais beaucoup établir des liens avec ses chercheurs.

Connaissez-vous déjà la ville de Liège ? Y habitez-vous à présent ?

Je n’étais jamais venue à Liège avant ce mois d’octobre. Jusqu’à présent, je n'ai eu que peu l'occasion de la parcourir mais j’ai été étonnée par sa beauté « pas banale ». Je trouve que c’est une ville puissante, son grand passé est palpable lorsqu’on la traverse à pied et son paysage participe sans doute à cette puissance : la Meuse, les collines boisées qui descendent jusqu’au centre-ville, sa topographie variée et jamais répétitive… Cela donne envie de la traverser à pied sur de longues distances.

Vous nous avez parlé de vos intéressantes recherches. Les partagerez-vous avec les étudiant.e.s dans le cadre des cours ?

Oui, c’est très important, je dirais même fondamental, de mettre en relation la recherche et l’enseignement. Lorsque les étudiant.e.s réfléchissent au sujet d'un projet d’architecture et d’urbanisme, ils/elles sont en mesure de tester des hypothèses de recherche et donc de construire des connaissances nouvelles. Mon expérience a été toujours d’utiliser le projet d’architecture, d’urbanisme et de paysage comme instrument de recherche sur les territoires contemporains : le « research by design » a constitué et constitue aujourd'hui une méthode de travail essentielle à mes yeux.

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